- quintessence
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• quinte essence v. 1265; lat. scolast. quinta essentia, trad. gr. pemptê ousia « cinquième essence »1 ♦ Philos. anc. Cinquième élément (l'éther) ajouté aux quatre éléments d'Empédocle.♢ Alchim. Qualité pure, principe essentiel d'une substance (en particulier les alcools obtenus par distillations répétées). Abstracteur de quintessence.2 ♦ Vieilli Extrait le plus concentré d'une substance (dont il contient les propriétés caractéristiques). « la quintessence, explosant et fondant sur la langue, du fruit mûr » (Gracq).♢ (XVe) Fig. et mod. Ce en quoi se résument l'essentiel et le plus pur de qqch. (cf. Le meilleur, le principal). « La pantomime est l'épuration de la comédie; c'en est la quintessence » (Baudelaire).Synonymes :- substantifique moelle- sucquintessencen. f. Ce qui constitue l'essentiel d'une chose; ce qu'il y a en elle de plus raffiné, de plus précieux. La quintessence d'un art.⇒QUINTESSENCE, subst. fém.A. — 1. HIST. DE LA PHILOS. Cinquième élément qui s'ajoute chez certains philosophes anciens aux quatre premiers (la terre, le feu, l'air, l'eau définis par Empédocle) et qui en assure la cohésion. Posidonius, Cléanthe, la tiennent [l'âme] pour la chaleur, Hippocrate pour un esprit répandu dans tout l'être (...). Zénon pour la quintessence des quatre éléments, Héraclide de Pont pour la lumière (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 623).2. P. anal.a) ALCHIM. Substance subtile, aboutissement de tout un processus d'opérations alchimiques, résultat de distillations successives. La quintessence, qu'on compare et avec audace à un cinquième élément, est, en tout cas, la partie secrète des corps, de la matière. De par son site et sa fonction, elle tient du sel. Or, le sel est en tout (Question de, janv. 1983, n ° 51, p. 41):• 1. Ce sont le soleil et la lune de source mercurielle et origine sulfureuse qui, par le feu continuel, s'ornent d'habillements soyeux, pour vaincre étant unis, et puis changés en quintessence, toute chose métallique, solide, dure et forte.CARON, HUTIN, Alchimistes, 1959, p. 22.♦ Abstracteur de quintessence.Rem. V. également essence3 A ex. de Villiers de L'Isle-Adam, var. quinte essence p. allus. à RABELAIS, Pantagruel.b) P. ext. Extrait le plus concentré, partie la plus subtile d'une substance. Jetez dans le restant de la sauce (...) un peu de quintessence de jambon (Gdes heures cuis. fr., Grimod de La Reynière, 1838, p. 160). C'est lui [le temps] qui, dépouillant encore nos armagnacs séculaires de tout ce qui n'est pas leur quintessence, leur donne cette couleur, cette saveur et cette chair sans rivales (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 55):• 2. ... quel dommage qu'en passant par l'alambic la pensée humaine prenne le chemin contraire à celui de l'eau de roses, et qu'à la troisième ou quatrième épuration elle se dessèche, au lieu de s'exprimer en quintessence!MUSSET ds Le Temps, 1831, p. 138.— P. métaph. On croirait déguster des paysages extraordinaires, des quintessences de terroirs compacts et d'étincellement (ARNOUX, Calendr. Fl., 1946, p. 229).— PHARM. Synon. vieilli de teinture, élixir. (Dict. XIXe et XXe s.).B. — Au fig. [Le plus souvent suivi d'un compl. prép. de]1. Forme la plus raffinée, la plus concentrée d'un être ou d'une chose. C'est la quintessence de ce que je déteste le plus, des gens comme elle et comme son père! (BOURGET, Cosmopolis, 1893, p. 20). Nous avons créé cette espèce d'hommes [les Juifs] (...) qui témoigne de l'homme plus que toutes les autres (...) cette quintessence d'homme, disgrâciée, déracinée, originellement vouée à l'inauthenticité ou au martyre (SARTRE, Réflex. quest. juive, 1946, p. 177). V. essence3 ex. 1:• 3. Le malheur seulement c'est que les jours de fêtes carillonnées où l'on serait heureux de voir la musique égale en beauté au cérémonial et à la pompe du rite, l'on est précisément condamné à n'entendre que de la quintessence de mauvais chant.HUYSMANS, Oblat, t. 1, 1903, p. 71.— En partic. Ce qu'il y a d'essentiel, de plus important dans un ouvrage, dans une œuvre et que l'on présente sous une forme abrégée, résumée, condensée. Synon. essentiel (v. essentiel1 B 2 c). Il lit, annote, compile, rédige et enserre dans son cerveau la quintessence de quelques mille volumes qui garnissent sa chambre tout alentour (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 139). [Les Goncourt] viennent aujourd'hui nous donner le résumé, la quintessence et l'esprit de leurs recherches favorites (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 4, 1862 , p. 2). En 1881, Ch. Bouchard faisait connaître dans ses mémorables leçons (...) la quintessence de son expérience et de ses réflexions (LE GENDRE ds Nouv. Traité Méd. fasc. 7 1924, p. 236).2. Expression de ce qu'il y a de meilleur, de plus précieux dans quelque chose ou chez quelqu'un; manifestation de la perfection dans l'ordre de la qualité. L'amour pur, (...) l'amour platonique, la quintessence de l'amour (DUMAS fils, Ami femmes, 1864, III, 6, p. 137). Arnold [Swarzenegger] est la quintessence du parfait gentleman, courtois et spirituel (Libération, 6 févr. 1986, p. 29, col. 1):• 4. — Nous autres, Arméniennes, nous raffolons des bijoux, vous savez: c'est la faute à nos pères et à nos maris, qui aiment beaucoup, beaucoup l'argent ... trop peut-être... cet amour-là déteint sur nous. Mais nous, femmes, sommes plus raffinées, et au lieu de chérir grossièrement les écus, nous chérissons leur quintessence: les pierreries.FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 168.3. Forme subtile, épurée, abstraite, éthérée. Le néo-impressionniste sublime la sensation recueillie pour en éliminer les détails accessoires (...); il ne reste qu'une quintessence (BARLET, LEJAY, Art de demain, 1897, p. 117). En ce temps, loin de comprendre que l'art ne respire que dans le particulier, je (...) tenais pour contingent tout contour précis, et ne rêvais que quintessence (GIDE, Si le grain, 1924, p. 507).♦ De quintessence. Mimique de gestes spirituels qui scandent, élaguent, fixent, écartent et subdivisent des sentiments, des états de l'âme, des idées métaphysiques. Ce théâtre de quintessence [le théâtre balinais] où les choses font d'étranges volte-face avant de rentrer dans l'abstraction (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 80).— Caractère idéal, subtil de quelque chose. Un homme capable d'apprécier la délicatesse d'une phrase, le subtil d'une peinture, la quintessence d'une idée (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 285). Le mot concret étant le signe de l'idée abstraite, celle-ci, aussitôt signifiée, devient concrète, et voilà toute la quintessence perdue (A. FRANCE, Jard. Épicure, 1895, p. 274).4. [Avec une valeur dépréc. et par recoupement de supra A 2] Abstracteur de quintessence.♦ De quintessence. Au total, bilan positif [d'un festival de cinéma] (...) malgré des discussions tournant facilement au verbiage ou à la rhétorique de quintessence (Les Lettres fr., 20 avr. 1967, p. 20, col. 4).— Subtilité excessive (dans l'expression). Tout cela fut dit [par Th. Gautier] avec netteté et décision, mais sans dictature, sans pédanterie, avec beaucoup de finesse, mais sans trop de quintessence (BAUDEL., Art romant., Th. Gautier, 1859, p. 462).REM. Quintessentiel, -elle, adj. et subst. masc., rare. a) Adj. [Corresp. à supra A 2 b] Synon. de raffiné, pur. P. métaph. Le mot de pensée, pour lui [Lambert] le produit quintessentiel de la volonté, désignait aussi le milieu où naissaient les idées auxquelles elle sert de substance (BALZAC, L. Lambert, 1832, p. 89). b) Subst. masc. [Corresp. à supra B 2] Synon. de essentiel (v. essentiel1 C 2 c). Notre hiérarchie de valeurs et notre vision plus précise des branches de la théorie et de la pratique, nous permettent de distinguer le quintessentiel de l'anecdotique (Les Lettres fr., 13 sept. 1967, p. 29, col. 2).Prononc. et Orth.:[
], [-
(s)
]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin XIIIe s. philos. quinte essence (MAHIEU LE VILAIN, Metheores d'Aristote, p. 5, 21); d'où 2. 1534 « ce qu'il y a de meilleur, proprement partie la plus subtile d'une substance » (RABELAIS, Pantagruel, éd. V. L. Saulnier, p. de titre). Empr. au lat. médiév. quinta essentia « quintessence » av. 1200 ds LATHAM (quintessentia, 1620, ibid.), de quinta fém. du lat. class. quintus, v. quint et de essentia, v. essence, trad. du gr.
désignant au VIe s. chez un commentateur d'Aristote l'éther, le plus subtil des cinq éléments de l'univers, formé de
, fém. de
« cinquième » dér. de
« cinq » et
« essence, substance; élément des choses », fém. subst. de
part. prés. de
« être »; cf. au sens 1 l'a. fr. quint element 1284 [date ms.] (BRUNET LATIN, Trésor, éd. P. Chabaille, I, 104, p. 109). Fréq. abs. littér.:96.
quintessence [kɛ̃tesɑ̃s] n. f.ÉTYM. 1265, quinte essence; du lat. scolast. quinta essentia, trad. du grec pemptê ousia « cinquième essence », chez Aristote.❖1 Anciennt. (Philos.). Cinquième essence ou élément, ajouté par certains physiciens anciens aux quatre éléments d'Empédocle, appelé éther par Aristote qui en fait l'essence du ciel et des astres, alors que Cicéron en fait la matière de l'âme. — (Alchim.). La qualité pure, le principe essentiel d'une substance, en particulier les alcools obtenus par distillations répétées. ☑ Abstracteur (cit. 1) de quintessence : alchimiste « qui extrait la quintessence », nom que se donne plaisamment Rabelais dans le titre de Gargantua et de Pantagruel. — REM. Cette expression mal comprise, par confusion avec les sens de abstraction et de abstrait, a fini par désigner tout esprit qui se complaît à de vaines abstractions, à de laborieuses subtilités (→ Abstracteur, cit. 3). — Par métaphore (allus. à l'alchimie). → Extraire, cit. 12, Baudelaire.1 (…) plus des deux tiers des vertus médicinales consistent en la quinte essence ou propriété occulte des simples, de laquelle nous ne pouvons avoir autre instruction que l'usage : car quinte essence n'est autre chose qu'une qualité de laquelle, par notre raison, nous ne savons trouver la cause.Montaigne, Essais, II, XXXVII.2 Paracelse admettait, outre les quatre éléments (…) une cinquième sorte de matière, résultant de la réunion des quatre autres sous leur forme la plus parfaite; car, d'après lui, le feu n'est pas tout à fait la chaleur, l'eau n'est pas l'humidité, et il regarde comme possible de dégager la qualité de la forme (…) C'est là l'élément prédestiné, la quintessence de Raimond Lulle, quinta essentia (…)♦ Allus. littér. || « La dame Quinte Essence nommée Entéléchie », reine d'un royaume mythique au Ve livre de Rabelais, personnage allégorique complexe symbolisant à la fois la philosophie et l'alchimie.2 (Fin XVIe). Vieilli. Extrait le plus réduit, le plus concentré d'une substance, dont il contient les propriétés caractéristiques (→ Alambiquer, cit. 2; atome, cit. 4). — Spécialt (pharm.). Teinture.3 Vous ne nierez pas non plus, je suppose, que le mets qui vous fut servi chez moi le jour où vous me fîtes l'honneur de vous asseoir à ma table ne renfermât la quintessence de tous ceux qui salissaient hier votre magnifique vaisselle.Balzac, Gambara, t. IX, p. 468.3 (XVe). Fig., mod. Condensé où se résume, manifestation où s'exprime l'essentiel de quelque chose d'ordre moral, de la façon la plus pure. ⇒ Meilleur (le), principal (le). || Tirer toute la quintessence d'un sujet. ⇒ Moelle, suc. || La quintessence de l'honneur (→ Filet, cit. 10), de l'admiration (→ Pirouetter, cit. 2). || Des réflexions qui sont une quintessence d'idiotie (cit. 2).4 La pantomime est l'épuration de la comédie; c'en est la quintessence; c'est l'élément comique pur, dégagé et concentré.Baudelaire, Curiosités esthétiques, VI, VI.5 (…) l'art est une quintessence de la vie, il l'expurge de ses déchets et n'offre que son sang pur.Montherlant, les Lépreuses, I, VI.6 Moi, je travaille dans l'esprit, dans l'essence et dans la quintessence de l'émanation. Je suis visité, moi.M. Aymé, le Vin de Paris, « La bonne peinture », p. 206.❖DÉR. Quintessencier.
Encyclopédie Universelle. 2012.